Claude Pech (Pictet) : “L’Asset Servicing est souvent perçu à tort comme une ‘commodity’”

Writer Laura Campan

Equity Partner et Deputy CEO de Pictet Asset Services, Claude Pech revient sur la complexité d’un métier souvent perçu à tort comme une “commodity”, que personne ne semble vouloir reconnaître à sa juste valeur.

Quel est le rôle de Pictet Asset Services auprès des gestionnaires d’actifs ?

Au sein de la division Asset Services, nous pouvons agir en tant que one-stop shop et couvrir un ensemble de fonctions – allant de l’administration de fonds, à la banque dépositaire mais également la Management Company (ManCo) – pour permettre aux asset managers de déléguer certaines activités et se focaliser sur leur coeur de métier.

Nous travaillons aussi beaucoup avec les gérants de fortune, en leur fournissant notamment une plateforme dédiée pour qu’ils puissent gérer les actifs des clients qui sont déposés chez nous, au Luxembourg ou ailleurs au sein de notre réseau international puisque nous avons la chance d’avoir différents points d’ancrage en Europe.

Finalement, nous proposons des solutions de Global Custody à des institutions financières. Bien que plus récent, le métier de global custodian nous permet de maintenir une relation privilégiée avec nos clients – qui reste l’une de nos spécificités historiques.

Malheureusement, l’Asset Servicing est souvent perçu comme une “commodity” et donc beaucoup recherchent un prestataire qui sera le meilleur marché possible – une approche totalement erronée, selon nous. Aujourd’hui, le marché a besoin d’un acteur qui va entretenir une relation privilégiée avec ses clients et leur proposer des solutions de gestion personnalisées, en toute transparence, face à des mastodontes de la finance, forcément moins agiles et moins flexibles. Et c’est exactement le positionnement que nous avons chez Pictet.

Le Luxembourg reste un acteur majeur dans la gestion des fonds. Comment vous différenciez-vous de la concurrence ?

Si les clients choisissent Pictet, l’inverse est vrai aussi. Nous avons toujours mis un point d’honneur à sélectionner nos clients et à ne pas sacrifier une relation de confiance – proche de celle que l’on pourrait avoir avec un banquier privé par exemple – sur l’autel de la rentabilité. Nous voulons être un soutien rassurant pour un gérant qui ne peut pas s’occuper de tous les tracas liés à sa profession. Et ça, malheureusement, ce n’est pas toujours facile à trouver.

Chez Pictet, cela fait plus de 200 ans que nous servons des clients haut de gamme et même si les collaborateurs ont évidemment changé tout au long de ces années, il y a toujours eu un vrai savoir-faire sur la gestion de la relation client. Même s’il s’agit d’un positionnement qui pourrait ressembler à celui de la concurrence – du moins, sur le papier – nous nous démarquons surtout dans la manière dont nous exécutons les choses : il n’y a pas de secrets, c’est parce que nous y mettons plus de moyens.

Vous évoquez votre volonté de ne pas céder aux sirènes de la rentabilité à tout prix, mais alors d’où vient votre marge financière ?

Nous sommes très précautionneux dans le choix de nos relations d’affaires.

Au lieu de tirer sur la corde pour essayer de dégager un maximum de profit sur une activité spécifique, nous allons plutôt proposer des solutions « 360 degrés » à nos clients.

La satisfaction client nous permet d’afficher des revenus largement supérieurs à la moyenne du marché.

La communication est l’un des éléments clés de la satisfaction client. Ce dernier a-t-il affaire à un interlocuteur unique ou à divers contacts selon les activités déléguées ?

Effectivement, une bonne communication est essentielle à toute relation client, c’est pourquoi nous attachons beaucoup d’importance à nos équipes de première ligne. Le client n’a affaire qu’à une seule personne qui, elle, va faire le lien entre les départements et les entités légales.

Chez Pictet, nous avons la chance d’avoir des Client Relationship Managers (CRM) qui sont sur une même relation depuis plus de 20 ans. Le fait d’avoir le même point de contact et de ne pas devoir recontextualiser auprès de différents interlocuteurs est un réel confort pour nos clients.

Ça fait 10 ans que je travaille chez Pictet et je dois dire que c’est une alchimie étonnante. Il n’y a pas de course aux chiffres pour satisfaire des objectifs à court terme au détriment de nos clients. On prend le temps de se connaître, de voir ensemble chaque détail du projet, sans noyer le client dans les méandres de notre organisation : c’est là toute notre spécificité.

Le bouche à oreille est-il encore un bon moyen d’influence, selon vous ?

A ce stade, il nous permet largement de fonctionner.

Pour nous, cela n’aurait pas de sens de communiquer plus largement sur l’Asset Services. La marque Pictet est souvent associée au wealth ou à l’asset management donc communiquer sur l’Asset Services risquerait de susciter des interrogations…

Aujourd’hui, nous arrivons à grandir avec un marketing direct. Nous avons des commerciaux qui font un excellent travail de prospection, évidemment, mais nos meilleurs ambassadeurs restent nos clients.

Mais malgré le besoin d’acteurs niches dans un marché saturé de prestataires qui suivent une logique plus industrielle, je suis toujours étonné d’entendre que l’Asset Services n’est qu’une “commodity” et qu’il ne faut “pas payer pour ça”… Alors qu’il s’agit d’un métier d’une complexité énorme et qui constitue une vraie valeur ajoutée pour les asset managers, qui vont pouvoir se concentrer sur leurs clients et leurs performances – et non sur les aspects réglementaires, par exemple.

Compte tenu de la pression réglementaire, comment voyez-vous évoluer le secteur de la gestion d’actifs ?

J’ai souvent parlé de la pression sur les frais de l’Asset Services mais l’Asset Management va certainement la subir aussi.

La fragmentation n’a de valeur ajoutée qu’à partir du moment où vous avez des gérants d’actifs très spécialisés, mais qu’en est-il des gérants de petite taille face à des mastodontes, type BlackRock, qui font exactement la même chose ? Quand on regarde le retour sur investissement, malheureusement, il y a très peu de gérants qui dépassent la performance des indices.

On fait toujours un parallèle avec les Etats-Unis mais la taille moyenne de leurs fonds est largement supérieure à ce que nous avons aujourd’hui en Europe. Il doit y avoir plus de masse pour survivre, notamment face à la pression réglementaire. La seule manière aujourd’hui pour les asset managers de financer les coûts liés à la réglementation est de créer des économies d’échelle, ce qui passera inévitablement par un développement des solutions IT.

En revanche, j’aurais une vision différente pour les gérants de fortune. Il y a un véritable engouement auprès des clients pour cette relation plus directe, que certains pourraient même qualifier de quasi “familiale”.