13.04.2023 Marketing Digital FarvesTalks Publicité

« Il faut embrasser les changements tout en restant dans ses zones de légitimité »

Writer Samira Joineau
lucile gourvernel vanksen
© Vanksen

A l’ère de l’IA et de l’hyper-connectivité, une marque peut-elle encore rester authentique, se différencier et performer ?

Entretien avec Lucile Gouvernel, Head of Strategy de l’agence internationale de marketing et de communication digitale Vanksen.

Sachant que les consommateurs sont de plus en plus connectés, les réseaux sociaux se sont révélés au fil des années comme un bon levier pour déployer des campagnes publicitaires. Comment assurer la cohérence de la marque et des messages publicitaires à travers différents canaux ?

Il faut un socle de marque solide pour en effet ne pas s’éparpiller et pouvoir rester cohérent, fidèle à son ADN, en dépit de la multiplicité des canaux, formats et messages. C’est là tout l’intérêt d’avoir au préalable défini le territoire d’expression de la marque : une plateforme de marque. Cela vise à codifier les fondamentaux de la marque, son rôle, sa posture, ses missions et ambitions… afin de servir de repère pour le développement de toutes communications futures. Ensuite, plus spécifiquement pour la communication sur les réseaux sociaux, la clé réside dans la définition d’une stratégie éditoriale structurée. Cet outil permet de définir quel usage la marque souhaite faire des différents médias à sa disposition, les audiences avec lesquelles elle souhaite s’y engager, et enfin les différents types de contenus (message et format) avec lesquels elle va pouvoir jouer pour atteindre ses objectifs. Le fait de structurer le discours en amont permet de garantir une vision d’ensemble, toujours en phase avec la marque et ses enjeux, en restant authentique.

Justement, la multiplication des canaux de communication peut rendre la tâche plus délicate pour se différencier de la concurrence. Du coup, comment se démarquer dans un marché saturé d’informations et de publicités ?

Il me semble que c’est la légitimité d’une prise de parole qui fait sa force, sa justesse et qui ainsi permet de lui donner une certaine résonnance. Le choix des sujets de communication est déterminant. Voici quelques facteurs de réussite :

  • En premier lieu, tâcher d’identifier en amont les attentes, besoins, insights auprès de ses communautés pour trouver des thèmes forts et générateurs d’engagement (il faut pour cela bien entendu être à l’écoute de ses audiences…)
  • Ensuite, déterminer si ces thématiques rentrent dans le territoire de la marque de manière cohérente, et légitime (donc s’appuyer sur ses propres codes de marque, sa plateforme de marque, son ADN…)
  • Et enfin, s’assurer que le message soit traité de manière singulière, propre à la marque (grâce à ses guidelines d’expression qui doivent aider à créer de l’attribution à la marque et à rendre toutes ses communications reconnaissables)

Par exemple, j’avais identifié au classement Interbrands 2022 des “disruptive brands” le groupe pharmaceutique Thirty Madison, à l’origine de plusieurs marques de solutions de santé destinées aux personnes souffrant de pathologies récurrentes. Si vous observez Cove _segment dédié aux personnes souffrant de migraines_ leur communication témoigne vraiment de ces bonnes pratiques ! Ils identifient des sujets, perceptions, problématiques ou situations spécifiques aux migraineux, et les abordent avec un mode d’expression qui leur est tout à fait propre. Et même sur des sujets beaucoup plus “basiques” comme l’arrivée du printemps, ils y appliquent le filtre d’une personne sujette aux migraines, et cela devient un contenu très fort et parlant pour l’audience concernée !

Comment utiliser les données pour améliorer l’expérience publicitaire des consommateurs et donc renforcer la loyauté à la marque ?

Il y a mille façons d’adopter une démarche « data centric » aujourd’hui. Autant de manière de les exploiter qu’il existe de types et de sources de données… chaque annonceur doit pouvoir faire en fonction de ce dont il dispose ! Par exemple, sur une campagne en ligne, on peut s’intéresser :

  • Au taux de vues sur une vidéo (vues ou vues complètes, un bon indicateur pour savoir si le contenu a intéressé l’audience)
  • Au nombre de clics ou au trafic généré sur le site, dans le cas d’une campagne destinée à générer du trafic ou des conversions
  • Aux commentaires, interactions, réactions dans le cas d’une campagne de Social Ads

Quels que soient les indicateurs, il faut disposer d’outils de mesure, mais également de capacités d’analyse pour savoir « faire parler les données » et en tirer les conclusions qui s’imposent. On pourra alors en conséquence, envisager d’affiner son discours pour le rendre plus persuasif, de retravailler sur un format afin de maximiser un taux de vues ou d’engagement, ou de challenger ses visuels ou ses calls-to-action pour qu’ils soient plus efficaces, ou même encore de modifier ses ciblages média… toute donnée est exploitable en réalité. Il faut en revanche se donner la flexibilité nécessaire pour pouvoir réagir et s’adapter selon ce que les données nous indiquent…

L’utilisation de l’intelligence artificielle dans le secteur de la publicité a grandement augmenté ces dernières années. Est-ce que vous l’utilisez pour vos campagnes publicitaires ? Si oui, comment change-t-elle la donne ? Et si non, comment tirer profit de ce nouvel outil ?

Les usages de l’intelligence artificielle dans la publicité sont plus que nombreux, et tous intéressants. Nous sommes partisans d’embrasser le changement et de nous en réjouir ! Il ne s’agit pas de paniquer en se disant que les intelligences artificielles vont remplacer nos métiers… on les voit plutôt comme des outils, des facilitateurs qui vont nous permettre d’accomplir plus vite certaines tâches parfois fastidieuses ou rébarbatives… On peut donc par exemple l’utiliser pour brainstormer, pour générer des insights consommateurs (sur base d’un bon briefing situationnel, ChatGPT peut vous être d’une justesse épatante !) ; on a également vu, lors du festival OFF Barcelona auquel assistait notre équipe créative, des cas d’usages pour générer des motifs visuels basés sur des algorithmes… avec des designs totalement inédits !

Ou encore, de manière beaucoup plus pragmatique, certains outils de programmatique l’utilisent déjà depuis longtemps, à des fins prédictives…Encore une fois, il y a mille manières de s’en servir, mais là où l’intelligence artificielle aide ou facilite, c’est le brief (par un être doté d’intelligence bien réelle) qui en fait le succès.

Dans un monde de défiance, à coup d’influence que certains considèrent biaisée, et de déshumanisation à l’aune des réseaux sociaux ; quelle place donner aux influenceurs pour instaurer une relation de confiance ?

Pour bien réussir sa communication avec des influenceurs, les critères de choix (de la personne avec qui l’on souhaite établir un partenariat) me semblent déterminants. Tâcher d’identifier des micro- voire nano-influenceurs plutôt que quelqu’un aux +500K abonnés permet déjà de garantir un relationnel sincère et simple ; cela permet une approche plus directe car elles ou ils sont plus accessibles. Il faut évidemment s’assurer du degré d’affinité potentiel avec la marque pour garantir l’authenticité du propos. Demandez-vous en toute honnêteté, d’après ce qu’il ou elle publie sur ses réseaux, si votre marque ou vos produits s’intègrent de manière crédible dans son discours, rentrent en résonnance avec ses valeurs, ses habitudes… qu’est-ce qui lui donnerait envie de communiquer pour vous ?

Enfin, dernier critère fondamental : laisser la liberté de ton à la personne choisie pour que son propos reste en phase avec sa tonalité et sa ligne éditoriale. C’est un prérequis qu’imposent bon nombre d’influenceurs et d’influenceuses et qui n’est pas toujours respecté par les marques (désireuses d’écrire un brief très strict pour maîtriser le discours) ; mais dans la mesure où ce discours doit être porté par quelqu’un d’autre que la marque elle-même, il faut que l’influenceur.se puisse se l’approprier pour donner davantage de crédit à son propos et ainsi créer de la confiance… Une partie de la responsabilité revient donc aux marques, pour rétablir la confiance.