Le Luxembourg a-t-il encore ses chances dans la course aux talents ?

Writer Laura Campan

Un taux de chômage relativement faible, une forte croissance économique, des infrastructures de qualité… Le Luxembourg ne manque pas d’arguments pour attirer les talents du monde entier. 

Pourtant, le Big Quit et l’inévitable quête de sens qui s’en est suivie ont fini par gagner les terres luxembourgeoises… Et la guerre des talents n’est pas prête de s’arrêter. 

Selon une enquête menée par la Chambre de Commerce auprès du patronat luxembourgeois au second semestre 2022, plus de la moitié (55%) considèrent le manque de main-d’œuvre “comme le principal défi pour le développement économique de leur entreprise”. Si le phénomène n’est pas nouveau, l’IMD World Talent Ranking témoigne d’une détérioration de la situation ces dernières années – le Luxembourg étant tombé à la 25ème place (sur 63) sur le volet “disponibilité de main d’œuvre”.

Miser sur l’up-skilling et le re-skilling  

Si les recruteurs peinent à attirer de nouveaux talents – constamment sollicités dans un marché de l’emploi sous tension – la question de la rétention des talents mérite d’être posée… Et la montée en compétences au sein d’un parcours professionnel (up-skilling) ou encore la capacité à en acquérir de nouvelles (re-skilling) pourraient bien constituer un premier élément de réponse. 

L’up-skilling et le re-skilling font d’ailleurs partie des recommandations de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) suite à une étude lancée en juin 2021 auprès de divers acteurs de l’écosystème luxembourgeois “afin d’identifier les domaines professionnels les plus porteurs, analyser les besoins en compétences, définir un plan d’action de formations et le mettre en oeuvre”.

Des recommandations à appliquer au plus vite si l’on en croit le désarroi de certaines entreprises interrogées par la Chambre de Commerce cette même année. Plus d’un tiers déclaraient ne pas connaître les différentes aides gouvernementales en matière de formation et admettaient volontiers leur difficulté à libérer du temps pour les salariés… Rien d’étonnant donc dans la dissonance que l’on retrouve parfois entre les offres de formation et les besoins des entreprises. 

Un dossier brûlant dont les membres du gouvernement se sont récemment saisis, en s’appuyant notamment sur les recommandations de l’OCDE “dans l’élaboration de mesures autour de l’offre de formations continues, d’incitatifs à la formation ou d’amélioration de l’orientation”.

Quid des talents étrangers ?

Les difficultés de recrutement poussent les entreprises à étendre leur périmètre de recherche au-delà de la Grande Région et de l’Union européenne (UE)… Et ce ne sont pas les chiffres sur l’immigration qui vont nous contredire. 

Mais la lourdeur administrative et le manque de transparence autour du processus de recrutement des salariés non-ressortissants de l’UE n’arrange rien à l’affaire… A titre d’exemple, et comme rappelé par la Fedil, le délai de délivrance des autorisations de travail – pouvant aller jusqu’à 4 mois – s’accompagne bien souvent d’un manque de communication des autorités compétentes sur la progression de la demande. Il n’est donc pas rare qu’un contrat de travail doive être suspendu. 

Autre point bloquant selon la  Chambre de Commerce, la reconnaissance des diplômes et des qualifications obtenus à l’étranger. “L’absence de reconnaissance des diplômes reste un sujet phare qui freine la mobilité des salariés, au sein de la Grande Région et au-delà, obligeant souvent à un “empilement” de modules de formation et de certificats qui ne font pas toujours sens”… De quoi donner du grain à moudre au ministère de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse. 

Renforcer l’attractivité du Luxembourg

Le capital humain étant la clé de toute économie prospère, les pays rivalisent d’idées pour attirer les talents du monde entier… Et à la table des négociations, le Luxembourg ne manque pas d’arguments.

Le pays peut en effet se prévaloir d’une économie solide reposant sur des finances publiques saines, d’une grande stabilité politique et d’un cadre sociétal optimal, en particulier quant à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Le pays se distingue également pour la qualité de ses infrastructures médicales et de son offre scolaire. 

Seule ombre au tableau – et pas des moindres – le coût de la vie et particulièrement du logement. Selon l’Office statistique de l’Union européenne, Eurostat, le prix de l’immobilier a augmenté de 140% au cours des 12 dernières années au Luxembourg, contre 49% en moyenne au sein de l’UE. 

Sans compter la saturation du réseau routier aux heures de pointe qui se répercute inévitablement sur la qualité de vie des citoyens – notamment des frontaliers – et les envies d’ailleurs de certains…

Autant de points à prendre en compte si le Luxembourg souhaite rivaliser avec d’autres métropoles et capitales européennes – notamment avec des places financières de renom et donc concurrents directs du modèle socio-économique du pays.