Si le confinement a été, pour certains, le temps de l’introspection, il a aussi été source d’angoisse et de dépression pour nombre d’entre nous, et a inévitablement (re)mis la question de la santé mentale au cœur du débat public.
Et si la réponse se trouvait dans les algorithmes ? Le débat est lancé.
Pour Marine Baconnet, doctorante en sciences de l’information et de la communication et chef de projet Fonds Social B’LAo, “il y a à la fois un grand besoin de soins et une réticence aux progrès scientifiques offerts par la technologie”.
Pourtant, la technologie a permis de réaliser d’énormes progrès : “la démocratisation de l’expression digitale [qui a amené de nombreuses personnes à partager leur ressenti et donc leur mal-être sur les réseaux] a permis de compléter le verbatim médical académique des comptes rendus de soignants avec le langage émotionnel du patient.”
Autre exemple inspiré de cette approche, la modélisation mathématique, créée en 2018 par des chercheurs du Centre de Recherche de Psychologie Positive de Philadelphie, qui repérait les signes avant-coureurs d’une dépression et parvenait à la prédire trois mois avant qu’un diagnostic médical ne soit posé.
Mais si l’Intelligence Artificielle (IA) a permis de formidables avancées scientifiques, certains se demandent si elle ne va pas entrer en concurrence avec la médecine. Le doute est-il permis ?
Marine nous rappelle que les objets connectés représentent la première population mondiale et ont un rôle de plus en plus significatif dans notre quotidien. On leur délègue des fonctions cognitives (de compréhension, de mémorisation, etc.) qui viennent compléter l’intelligence humaine.
En radiologie par exemple, l’IA n’a pas remplacé mais déplacé l’activité du radiologue, moins diagnostic et plus interventionnel. “Tout au long de l’intervention, il va être guidé par l’imagerie en temps réel”. Il s’agit donc d’une évolution de l’exercice de la spécialité plus que d’une ubérisation puisque la décision médicale n’est jamais confisquée.
L’IA est également très utile dans le domaine de la chirurgie. A l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, l’IA n’est pas perçue comme un automate menaçant mais comme un relais de précision : le robot Da Vinci porte les instruments et permet au chirurgien de séparer la gestuelle de la réflexion, et donc d’être plus précis.
Comme Marine, Christine Balagué, professeur titulaire de la chaîne Good In Tech à l’institut Mines-Télécom Business School, voit l’IA comme une aide à la performance et non comme une menace. “Il faut démystifier la technologie”.
Prenons l’exemple de l’IA, développée par des chercheurs de l’AP-HP en plein Covid, qui permettait de calculer la probabilité, dans un service de réanimation, qu’un patient sorte du coma. “Si l’IA indique qu’une personne ne sortira jamais du coma, ne pourrait-on pas admettre quelqu’un d’autre en réanimation ?” En situation de crise sanitaire notamment, l’enjeu est de taille, mais c’est bien un médecin qui va répondre à cette question. “Donc on est loin d’une IA qui va se substituer au médecin. C’est, avant tout, une aide à la décision.”
Bien que synonyme de progrès médical, ces technologies doivent être régulées. “Un IA Act est actuellement en cours de discussion au niveau européen” et devrait bientôt soumettre les entreprises du secteur à un certain nombre d’obligations (qualités des données, garantie humaine, etc.) – notamment pour instaurer un climat de confiance et éviter de possibles dérives portant atteinte à la sécurité et aux droits fondamentaux des citoyens.