Métavers : la protection des données dans le collimateur

Writer Samira Joineau
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Il est certain que le métavers est un outil à la mode, très hype, d’où découle de nombreux fantasmes quant aux possibilités qu’il offre. Il faut pourtant bien comprendre de quoi il est question; notamment quant au traitement des données personnelles. Et c’est à ces problématiques que des experts ont tenté de répondre, dans le cadre de la conférence sur le métavers organisée par la CNPD, le 27 janvier dernier – soit la veille de la journée mondiale de la protection des données.

Alors que le métavers n’est qu’à ses débuts, puisqu’il n’est pour le moment utilisé que par de grandes enseignes, il pose déjà question – notamment celle de la sécurité des données personnelles des utilisateurs. Ces dernières, une fois collectées, peuvent en effet être utilisées à l’encontre des libertés fondamentales, et donc nuire aux droits de l’Homme, comme rappelé par la présidente de la CNPD, Tine A. Larsen, dans son discours d’ouverture. L’augmentation des données biométriques viennent également nourrir ces inquiétudes : c’est pourquoi il est primordial de veiller au respect des principes RGPD dans les nouvelles activités technologiques, comme le métavers. 

La présidente a cependant souligné l’importance “d’observer le frémissement d’innovation” que peuvent offrir les avancées technologiques, telles que le métavers. Mais il est avant tout nécessaire de comprendre ce qu’est le métavers. Arnaud Lambert, directeur du “Département Transformation Digitale” à Luxinnovation, a de son côté expliqué la particularité du métavers par rapport aux autres technologies similaires (AR, VR, MR). Le métavers est un “environnement complexe”, composé de plusieurs couches : digitale, immersive, sensationnelle, expérientielle, spatiale, décentralisation, entre autres. 

Le métavers vient cependant redéfinir l’identité numérique des utilisateurs; car, il n’est plus question d’une adresse IP, puisque cet univers demande la conception d’un avatar afin de naviguer à travers les différents métavers. L’avatar est créé à partir d’un casque équipé de capteurs, qui s’occupent de récolter les données biométriques, physiologiques, et comportementales. Tout cela dans le but de recréer, voire dédoubler, l’utilisateur dans la vie réelle. Dr Olivier Buchheit, Fondateur de Sonopraxis, a ajouté que l’avatar “se retrouve comme un élément central dans le métavers”, d’où découlent de nouveaux services. 

“Les capteurs facilitent l’identification et permettent au système de créer une expérience personnalisée, adaptée à nos propres besoins” – Dr Kerstin Bongard-Blanchy, Enseignante-chercheuse groupe “Human-Computer Interaction” (Université du Luxembourg)

Pour le moment, cette nouvelle technologie est principalement utilisée dans des secteurs définis, tels que le gaming, le digital (réseaux sociaux, création de contenu), mais également le shopping en ligne. Pour ce qui est du Luxembourg, il existe pour le moment deux métavers; et un troisième est en devenir, “The Duchy of Luxembourg”, et son lancement est prévu pour le mois prochain. Cela montre que le Luxembourg est actif et souhaite se positionner comme un acteur majeur, au niveau européen, dans ce domaine. 

Ce positionnement participerait grandement à l’attractivité du pays pour les entreprises, notamment internationales, comme Infinite Reality – spécialisée dans la création d’expériences immersives. Cette dernière, basée aux États-Unis, compte prochainement installer son siège social européen au Luxembourg. Le métavers apparaît comme un bon tremplin pour les entreprises, puisqu’il offre de nombreuses opportunités en termes d’expérience utilisateur, d’environnement, de modèle business. Pour dire, selon une étude de McKinsey, le métavers pourrait générer une valeur de $5 milliards d’euros d’ici 2030.                                                                                            

Il reste cependant essentiel de considérer la sécurité du transfert ou de l’échange des données dans l’univers du métavers, puisqu’il en exploite davantage – comme expliqué plus haut. Alexandre Kuhn, Expert IT au service “sensibilisation” de la CNPD, a souligné qu’il n’y a pas qu’un seul et unique métavers : il y en a plusieurs et la collecte de données ne sera pas la même selon celui qui est consulté. Un cadre juridique est alors nécessaire pour l’enregistrement des données, en termes de traitement, de gestion, de confidentialité, de consentement, entre autres. 

Faut-il alors créer de nouvelles règles ? Selon Maxime Dufour, Juriste au service “sensibilisation” de la CNPD, la réponse est non : “le métavers est une évolution plutôt qu’une révolution”. En d’autres termes, le métavers ne nécessite pas d’un texte légal spécifique; les textes légaux actuels ont déjà prévu de telles évolutions technologiques. Prenant en considération ces dernières, il s’agirait donc d’adapter, d’étendre le cadre juridique actuel en fonction. 

L’avenir du métavers semble radieux, mais l’outil n’en est encore qu’à ses débuts. Il reste en effet de nombreux défis à relever – sociaux, ergonomiques, légaux, sécurité, entre autres – avant qu’il soit pleinement opérationnel.