Quel avenir pour le Nutri-Score ?

Writer Laura Campan

Manger cinq fruits et légumes par jour, limiter les sucres lents et le sel, les aliments (ultra-)transformés… Derrière ces recommandations médicales se cache un véritable enjeu de santé publique.

Mais les questions de nutrition ne devraient-elles pas dépasser le cadre national et nourrir une réflexion plus globale ?

Dans le cadre de sa stratégie “Farm to Fork” présentée en mai 2020 pour rendre notre alimentation plus saine et plus durable, la Commission européenne s’était engagée à adopter un logo nutritionnel unique et obligatoire en Europe d’ici fin 2023. Et le Nutri-Score – actuellement en place dans six pays européens, dont le Luxembourg – semblait bien engagé dans la course…

Mais de puissants lobbys se seraient-ils évertués depuis à le discréditer pour en empêcher l’adoption – ou à défaut la retarder ?

C’est ce que déplorent de nombreux scientifiques et professionnels de santé, qui ont récemment interpellé la Commission européenne sur la nécessité d’aller au bout de ce projet, n’en déplaise aux géants de l’agroalimentaire : “de nombreuses études scientifiques réalisées au cours des dernières années dans une vingtaine de pays démontrent l’efficacité du Nutri-Score pour aider les consommateurs à orienter leurs choix vers des aliments de meilleure qualité nutritionnelle et donc plus favorables à leur santé”. Les autorités européennes sont donc priées de prendre une décision “basée sur la science et la santé publique” et ne doivent en aucun cas “céder aux pressions des lobbys”.

En attendant de statuer sur la question, des modifications autour du Nutri-Score – ce petit logo apposé sur l’emballage des produits alimentaires, dont la couleur (du vert au rouge) et la lettre (de A à E) varient selon leur qualité nutritionnelle – sont attendues pour la fin d’année.

Après s’être attaqué aux aliments transformés en juillet 2022, un comité scientifique composé de chercheurs indépendants a livré ses conclusions sur le volet boissons le mois dernier. Là encore, l’algorithme a été modifié pour pénaliser davantage les produits alimentaires riches en sucre – notamment les fameuses boissons light à base d’édulcorants – et ainsi guider les consommateurs vers des choix éclairés et favorables à leur santé.

Reste à résoudre l’inconnue des aliments ultra-transformés, que le calcul du Nutri-Score ne prend pas en compte…

Si certains chercheurs proposent qu’un bandeau noir figure autour du Nutri-Score apposé sur ces aliments, dans une interview accordée au Huffington Post le mois dernier, l’épidémiologiste et nutritionniste français Serge Hercberg se veut plus mesuré : “en attendant ce futur bandeau noir, je conseille de regarder la liste des ingrédients sur l’étiquette : si elle est très longue avec des noms savants, c’est sans doute un produit ultra-transformé. Comme pour les aliments classés D ou E, il ne faut pas arrêter de les manger mais en limiter la consommation.”