Les salariés sont de plus en plus nombreux à exprimer un besoin d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée… Le culte de la performance aurait-il du plomb dans l’aile ?
L’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est devenu un enjeu crucial pour les entreprises.
Les attentes des employé(e)s ont évolué au fil du temps et aujourd’hui, de plus en plus de salariés recherchent une harmonie entre ces deux sphères pour préserver leur bien-être.
Le rapport “The Workplace of the Future”, publié par EPOS en partenariat avec Foresight Factory, révèle qu’une majorité des employé(e)s (53%) estiment désormais que leur bien-être est une priorité. Cette prise de conscience a notamment conduit à une demande croissante de politiques d’entreprise favorisant la santé mentale et bien-être physique.
Une dynamique qui place l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée au cœur des préoccupations des entreprises car il est désormais clair que la performance organisationnelle est liée à la santé et au bien-être des employé(e)s.
Comment expliquer un tel changement de la valeur travail ?
Si l’évolution des valeurs au sein du monde professionnel est un phénomène observé depuis un certain temps, la crise sanitaire a inévitablement accéléré cette tendance vers l’individualisme.
Cette évolution a mis en évidence l’équilibre délicat entre l’aspiration à l’individualisme et la préservation du collectif au sein des entreprises. Les statistiques issues des Rencontres RH révèlent que la pandémie a impacté les liens collectifs de travail dans 40% des entreprises, soulignant ainsi la nécessité de réfléchir à la manière dont les organisations peuvent intégrer les aspirations individuelles tout en maintenant la cohésion du groupe.
Il est clair que l’individualisme peut stimuler l’innovation et la créativité, mais trouver le juste équilibre reste un défi complexe pour les entreprises souhaitant maintenir un environnement de travail solidaire et collaboratif.
Si cette nouvelle de quête de sens et de liberté sonne juste côté salarié, difficile parfois de l’aligner avec les besoins de l’entreprise côté employeur… Comment trouver le bon équilibre ?
La quête de sens au travail joue un rôle central dans l’environnement professionnel moderne.
Les salarié(e)s s’interrogent de plus en plus sur le sens qu’ils veulent donner à leur vie et à leur travail : “qu’est ce qui provoque une insatisfaction ou me déséquilibre ?”, “comment ces circonstances affectent-elles ma performance ?”, “quel impact ont-elles sur ma vie personnelle ?”, “à quoi dois-je donner la priorité ?”, “pour quels sacrifices ?”, “qu’est-ce qui en pâtit ?”.
La première chose à faire, côté organisations, est d’être à l’écoute de ses salarié(e)s, d’essayer de comprendre comment ces questionnements et leurs réponses peuvent impacter l’organisation du travail. Il faut donc travailler sur une culture d’entreprise apportant bienveillance et soutien dans les équipes. L’entreprise peut ainsi mettre en place des mesures visant, par exemple, à flexibiliser le temps de travail (temps partiel, télétravail, etc.) si ça répond à des problématiques de gestion du temps de ses salarié(e)s. L’objectif étant de les (ré)engager.
Les organisations qui travaillent activement en ce sens ont ainsi une meilleure performance, voire plus d’innovations que d’autres.
Mais cette démarche ne se limite pas uniquement à l’harmonisation, mais devient une stratégie pour renforcer l’engagement. André-Yves Portnoff, chercheur et consultant en prospective et stratégie, distingue subtilement individualisme et individualisation, soulignant l’importance d’intégrer les aspirations personnelles dans les valeurs collectives. Cette symbiose forge une connexion entre épanouissement individuel et réussite collective.
Au cœur de cette évolution, il est vital de comprendre que le succès collectif découle de la collaboration. Les statistiques actuelles du rapport Gallup 2023 montrent que seulement 13% des employé(e)s européen(ne)s sont engagé(e)s dans leur travail, soulignant la nécessité de renforcer les liens au sein des équipes. La cohésion stimule la productivité et crée une communauté au sein de l’entreprise, où la collaboration dépasse l’individualisme pour mener vers une réussite partagée. Cette dynamique est essentielle pour naviguer dans un monde professionnel en mutation, en équilibrant aspirations individuelles et objectifs collectifs.
Certains semblent avoir trouvé un premier élément de réponse dans la semaine de quatre jours. Quel est votre avis sur la question ?
La semaine de quatre jours peut être une réponse, si les activités de l’entreprise le permettent. Mais elle n’est pas LA réponse. Il faut que chaque entreprise se questionne mais surtout cherche à co-construire les solutions adaptées à son modèle économique en prenant en compte les retours de ses collaborateurs. Ces démarches permettent ainsi de rééquilibrer les temps privés et professionnels, tout en continuant à maintenir l’activité économique. Il existe ainsi de multiples solutions qui peuvent être déployées au sein des entreprises (télétravail, flexibilité, semaine de 4 jours ou 9 jours sur 10, etc.).
La place du travail dans la vie des individus est en mutation, reflétant un changement profond dans la perception du monde professionnel. Les statistiques de la Fondation Jean-Jaurès mettent en évidence une évolution marquante, où seulement 24% des Français·es considèrent le travail comme “très important” dans leur vie, contrastant nettement avec les taux plus élevés observés dans le passé. Cette transformation reflète une tendance croissante à privilégier l’équilibre entre le temps libre et le gain financier. Les chiffres révèlent ainsi que 61 % des salarié·es français·es préfèrent désormais gagner moins d’argent pour bénéficier de plus de temps libre. Cette évolution influence la manière dont les individus conçoivent leur carrière et remet en question les symboles traditionnels de réussite professionnelle. Pour les entreprises, cela signifie qu’elles doivent repenser leurs stratégies pour répondre aux nouvelles aspirations des employé·es et préserver leur engagement et leur motivation.
Y a-t-il d’autres éléments de réponse ? Peut-être parmi les entreprises que vous accompagnez ?
Chez IMS, depuis longtemps, nous avons instauré un mode de management basé sur la confiance, la transparence et la responsabilisation. Chaque salarié(e) bénéficie d’un fort degré d’autonomie dans un cadre de travail régi par notre vision qui est “de faire du Luxembourg une société prospère et durable”, notre mission qui est “d’inspirer des actions durables” et nos trois valeurs : responsabilité, leadership et partage. Le collectif est très important, il est là en soutien si un(e) collègue a besoin ou veut partager des informations. Nous sommes une équipe de plus de 20 personnes et il n’y a pas de management. Nous avons une organisation du travail basée sur des objectifs et chacun(e) a une mission pour répondre à ce défi commun. Ainsi, nos horaires, nos lieux de travail peuvent être plus flexibles.
Les entreprises ont du mal à faire ce pas, car elles ont peur de partager les informations et de répartir les pouvoirs. Mais elles ne se rendent pas compte de toute la puissance de ce type de structure. Je n’ai qu’une chose à dire, il faut oser !